“Un texte vit grâce à ses lecteurs”. C’est à la faveur de cette petite phrase des plus innocentes que je me retrouve face à vous, en cette soirée orageuse, avec la chaleur tropicale et écrasante d’un mois de mai dans le Delta du Mékong au Vietnam, à écrire. Enfin grâce … parfois je me dis à cause ! Tout ça parce que, pour une fois, j’ai osé dire ce que je pensais sincèrement, j’ai osé dépasser cette petite voix au fond de moi qui me disait habituellement : “Es-tu vraiment sûre de vouloir exprimer ou faire ça ? Es-tu sûre que ce n’est pas stupide ? Es-tu sûre que ça en vaut la peine ? Es-tu sûre que ça va les intéresser ? Es-tu sûre que”. Je pourrais vous faire une liste longue comme le Code Civil qui hantait mes nuits étudiantes ! Mais bon, je ne voudrais pas vous donner l’impression que je vous prends de haut, je suis sûre que vous avez compris.
Vous allez vous dire que j’ai été audacieuse, que je me suis engagée dans une cause considérable, un combat emblématique ! Même pas… J’ai tout banalement complimenté l’auteur d’un article. Un commentaire pour un grand journaliste ? Une analyse poussée d’un écrivain de renom ? Non, un simple retour de lecture, un simple besoin de partager mon ressenti, ce que ses mots avaient pu provoquer en moi. Mon but ? L’excitation d’écrire à un quasi inconnu ? Peut être. L’encourager à continuer à ’écrire ? Qui sait. L’envie de connaître un peu plus qui se cachait derrière ce texte ? Sans doute. Pour être franche, je n’en avait pas la moindre idée ! Pour tout vous dire: je ne regrette pas d’être sortie des sentiers battus. Jeune milléniale que je suis, de ne pas avoir cédé à la tentation de double cliquer sur mon smartphone 2.0 pour mettre un simple jaime. D’avoir tout bonnement partagé son article dans ma enième story Instagram. Où même pire, d’avoir remis à plus tard – comme ma génération Y et moi même savons si bien le faire – ce partage de lecture.
Non, cette fois j’ai fais le grand saut, enfin plutôt le petit, car le grand saut c’est là, maintenant, tout de suite, que je le réalise en écrivant ces quelques lignes. Pardon, je m’éparpille. Pour ma défense, ce n’est pas dans mes habitudes d’écrire. Enfin, plutôt d’écrire pour publier. Revenons à nos moutons ou plus exactement à nos sauts ! Retournons à ce petit saut, ce petit pas pour l’humanité et ce grand pas pour moi même.
Recommençons du début. C’est vous dire à quel point je me suis éparpillée ! “Un texte vit grâce à ses lecteurs”. Cette phrase m’a fait un petit électrochoc. Elle était pourtant sortie un peu de nul part. Mais pas de n’importe qui. De l’auteur même que j’avais complimenté en amont sur son article. Nous étions en plein débat sur la question de l’écriture. Suite à ma critique positive sur son texte, il m’avait piégé en me demandant si j’écrivais. Vaste question, vaste réponse.
Amoureuse de lecture que je suis, je ne pouvais me définir comme quelqu’un qui écrit. J’ai bien couché sur le papier quelques pensées, tenté quelques carnets de bord lors de mes différents séjours à l’étranger. Mon côté romantique m’a également fait écrire quelques lettres d’amour. Mais ai-je vraiment écrit ? Après quelques échanges sur cette question infinie de l’écriture, après quelques tournures de phrases plutôt bien faites pour essayer de lui prouver que l’écriture selon moi perdrait toute sa pureté dès lors qu’elle est conçue dans le but d’être publiée, en tâchant de lui faire croire que l’auteur pouvait être lui même le lecteur, j’étais moi même à court d’arguments.
Ma petite voix était de retour. Sa phrase me revenait sans cesse à l’esprit : “Un texte vit grâce à ses lecteurs”. Elle sonnait dans ma tête comme un “Cap ou pas cap”. Vous savez cette fourberie popularisée par le film Jeux d’enfants avec Marion Cotillard et Guillaume Canet. De leur plus tendre enfance jusqu’à leur mort, ils se lancent des défis à l’aide d’une boîte en métal. Celui qui détient la boîte est le maître du jeu et peut lancer n’importe quel défi, conclu par le fameux “Cap ou pas cap”. Une fois le défi relevé, la boîte était transmise à l’autre et les rôles inversés.
Alors sa phrase, pour moi, c’était un peu ma boîte en métal. Vous allez me dire “et le Cap ou pas cap, il est où dans ta jolie métaphore ?” Le “Cap ou pas cap” c’était ma petite voix, avec toutes mes questions, mes peurs, mes interrogations… Vous savez, mon Code Civil du début ! L’auteur de l’article m’avait transmis la boite en métal, et je m’étais donnée le “Cap ou pas cap” moi-même.
Et voilà, cher lecteur, nous nous rencontrons. Nous voilà aujourd’hui, vous et moi, à faire vivre ce texte. Parce que n’oublions pas qu’”un texte vit grâce à ses lecteurs.”
Mon prochain saut ? Il est déjà en préparation. Recommencer cet exercice d’écriture, mais avec un sujet donné, avec un cadre peut-être ? Allez, vous pouvez le dire, j’ai été un peu brouillon ! Mais j’ai fais le grand saut. On a fait le grand saut. Auteur et lecteur, ensemble. Alors, on recommence ? “Cap ou pas cap” !
Daphné Fradin
4 commentaires
Cap ou pas cap de raconter un grand moment de solitude, de ridicule ou de honte, pendant un de tes voyages. Tu prendra de la distance avec ce moment difficile et nous fera au minimum sourire, voire rire aux éclats. Nous en avons bien besoin en ces temps de Corona.
J’attends de te lire avec impatience.
Marie R
Voilà tu as fait le premier pas, maintenant cap de plonger dans le grand bain de l’écriture ?
Courage ça devient vite une drogue.
« Un texte vit grâce à ses lecteurs ». Mais il existe par l’écrivain ? Est-ce que des lecteurs peuvent faire vivre un texte qui n’a pas été écris ? Cap ou pas cap?
Cap !
En attendant de sauter avec toi dans cette nouvelle aventure !