Syndrome Post-confinement

par Tibovski
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Le déconfinement

 

On dit que l’effet de souffle survenant après une explosion peut être plus dangereux que la déflagration elle-même. Psychologiquement, c’est l’impression que j’ai eu avec l’après-confinement. Vous avez probablement, comme moi, craint que l’enfermement et la privation ne nous transforment ou, plutôt, qu’ils nous révèlent le pire en chacun de nous. Et ce fut le cas, dans une certaine mesure. Les violences conjugales et familiales ont explosé durant ces quelques mois. Le taux de divorce a également bondi en Chine dès la levée des mesures d’isolement. Pour ma part, le confinement s’est déroulé comme une routine morne mais supportable. Evidemment, nous n’avons pas été tous égaux face à cette épreuve. Mon expérience ne vaut pas grand chose sinon d’avoir attiré mon regard sur un phénomène bien curieux : le déconfinement. 

 

Allô docteur….

Bien que biaisé par mon propre vécu, j’ai tout de même pris le soin de recueillir les impressions de mon entourage et constaté chez ces sujets un trouble général. Je l’appellerai “le syndrome post-confinement”. En voici les symptômes : un sentiment de vacuité, une perte de repères, une diminution aiguë de la concentration et enfin une haine viscérale de ces petites habitudes qui ont rythmé ces deux longs mois de confinement. Durant cette période, j’étais dans des conditions que je savais provisoires, relatives à la survie et à l’amélioration globale de la situation. Dès lors que nous avons connu la date d’échéance, notre réclusion s’en est trouvée beaucoup mieux rythmée car en partie planifiée. Nous n’avions qu’à attendre et nous retrouverions notre liberté chérie. Sauf que non. Nous n’avons eu le droit qu’à une liberté conditionnelle. L’après-confinement n’a pas été semblable à l’avant confinement. Ce fût donc une déception, mêlée à de l’incertitude qui nous a fait ressentir le poids de nos renoncements. Nous ne savions ni quand ni comment nous pourrions retrouver notre vie d’autrefois. Tout en sachant que c’était officiellement terminé, je n’ai pas ressenti le soulagement que j’espérais. Et cela m’a fait perdre tout le tempo qui m’avait permis de tenir jusque – là sans trop de difficultés. La racine du mal, c’est que le déconfinement n’a pas été une vraie fin du confinement; il n’a été que le sas de décompression. 

 

Un mal dispensable

Si je vous dis cela, c’est parce que ce ressenti n’est pas indépendant de la gestion politique de la crise. On pourrait se dire qu’il y a là une sorte de syndrome post-traumatique inéluctable après un tel choc. Même si je suis persuadé que cela est en partie vrai, je ne pense pas que le problème est fatalement lié à l’épidémie. Trois choses sont responsables de ce sentiment : 1) Un confinement sévère 2) Un déconfinement lent 3) Peu d’informations de la part du Gouvernement. Ces trois éléments sont le fait des responsables politiques. Et si je me permets de le souligner, c’est parce qu’il aurait pu en être autrement. Le confinement sévère de la France se justifie surtout en raison des manques de prévisions prises par les autorités en charge (voir mon article sur la pénurie des masques). La rigueur de ces mesures a renforcé l’effet d’égarement causé par un déconfinement à tâtons et une communication au compte-goutte. 

 

Tous sur le divan

Un peu de nuances à tout cela ; Xavier Briffault, chercheur CNRS en épistémologie de la santé mentale s’est penché sur les effets des mesures sanitaires. Il constate, en effet, que le niveau d’anxiété de la population est resté à un niveau normal durant le confinement. Selon lui, ce n’est pas uniquement dû à des “mécanismes de résilience” mais aussi au fait que le confinement a réduit pour beaucoup l’exposition à des sources de stress. Les données montrent également que le déconfinement a eu un effet sur l’anxiété en amplifiant les troubles du sommeil. Toutefois, le choc post-confinement n’a pas été aussi radical qu’anticipé. Cette transition pourrait avoir un effet plus subtil mais non moins important sur la santé psychologique de la population. 

 

Mon hypothèse, c’est qu’on est toujours dans un état de sidération, voire de déni, face à ce qui s’est passé. C’est une crise inédite dans l’histoire de la France et de l’humanité. Les réponses sociales ont été aussi folles que les inflammations provoquées par le Covid-19, chez les malades les plus touchés. En majorité, les victimes ont été tuées par une sur-réaction de leur système immunitaire. On peut dire qu’il y a eu aussi une sur-réaction du corps social à ce phénomène sanitaire.

 

Par la suite, les effets de cette épidémie sur la santé mentale s’expliqueront aussi par les conséquences socio-économiques qu’elle engendrera. Comme le dit Xavier Biffrault : “L’inquiétude porte plutôt sur ceux qui vont pâtir, demain, des conséquences économiques de la crise”. Évidemment, les conséquences directes du confinement que nous avons évoquées valent surtout pour ceux qui ont pu rester confinés chez eux. Car, encore une fois, nous n’avons pas tous vécu la même crise. On peut, en ce sens, penser au personnel soignant.

 

Il faudra aussi surveiller les soignants, en première ligne contre le Covid-19. Le fait d’avoir été dans l’action les a d’abord protégés psychologiquement. Mais les lendemains peuvent se révéler difficiles. 

 

Société post-traumatique

Cette angoisse post-confinement est comparable à ce que notre société endure. Nous ne souffrons pas qu’individuellement de cette catastrophe car c’est tout le corps social qui a été frappé. Un “après” fragile se dessine et nous craignons le retour de bâton sans le vivre encore. Le sentiment que rien ne peut et ne doit demeurer comme avant grandit. Ici comme ailleurs, cette situation ne conduit qu’à des interrogations, car tout peut advenir à présent. C’est précisément cette imprévisibilité d’un retour obligé à une normalité impossible qui crée l’angoisse. 

 

Prenez soin de vous et de vos proches et à la prochaine quinzaine !

 

Le dessin est réalisé par l’auteur Tibovski. 

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13 octobre 2020 14 h 11 min

« Le sentiment que rien ne peut et ne doit demeurer comme avant grandit. » C’est la meilleure nouvelle depuis longtemps !

19 juillet 2020 15 h 41 min

Beau dessin et belle plume

19 juillet 2020 15 h 40 min

Beau dessin et belle plume

Evelyne
29 juin 2020 14 h 43 min

Bravo! Superbes illustrations! Merci!