Retour au Liban – une journée dans la Bekaa

par un contributeur
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Enfants de la Bekaa

 

Beyrouth… tes lumières – ou leur absence – dansent, à nouveau, devant moi.

Beirut …your lights – or their absence – once more to dance  in front of my eyes.

 

La première fois que je mettais les pieds au Liban, c’était en octobre 2019, au lendemain de la «Thawra» – la révolution libanaise qui augurait une longue liste d’espoirs brisés. 

Depuis j’y ai fait des séjours plus ou moins prolongés – de deux semaines à dix mois. Ce pays je l’ai vécu à différentes strates toutes orientées selon une même inclinaison : celle descendante de la crise grimpante.

The first time I came to Lebanon was in October 2019, the first day after the Thawra (“revolution” in Arabic).

Since then, I have stayed there for short or longer periods from two weeks to ten months. I have experienced this country on different strata arranged always along the same incline – the descent of the mounting crisis.

 

4 ans plus tôt / Four years earlier

C’est lors de mon deuxième séjour, en janvier 2020 (au temps des prémices du développement de LP4Y au Liban) que j’avais découvert la plaine de la Bekaa pour la première fois. Nous étions partis un matin sous l’égide de l’Ordre de Malte pour suivre une de leur « unité médicale mobile » : caravane toute équipée pour faire passer des examens de première nécessité directement dans les « camps syriens ». Docteur J, un médecin d’une soixantaine d’années, nous avait pris sous son aile. On assistait à quelques consultations, surtout des femmes. C’était frappant : toutes étaient enceintes ou venaient d’accoucher. Docteur J les taquinait en arabe : « Mais quand donc arrêterez-vous de faire des bébés ?! » Plus tard, dans la tente du chef, nous avions pris un café près d’un grand poêle. Je me rappelle l’épais tapis luxueux qui recouvrait le sol et le contraste  qu’il provoquait avec les lambeaux sur le dos des habitants.

La plaine de la Bekaa est une grande région agricole et la plupart des revenus de la population de ces camps reposent sur le travail de la terre. L’agriculture, avec la construction et le secteur du nettoyage, est un des trois domaines officiellement autorisés aux réfugiés syriens. Par la fenêtre de la voiture, attelées au labourage, nous distinguions surtout des femmes et des enfants.

Ensuite, je ne sais pas, je n’ai jamais eu le temps – ou l’occasion – d’y retourner. 

Quatre ans plus tard, je suppose c’est sans doute le bon moment : confronter mes souvenirs, percevoir avec une acuité différente.

It was during my second stay in January 2020 (in the early days of the development of LP4Y in Lebanon) that I discovered the Bekaa Valley for the first time. We had left one morning under the aegis of the Order of Malta to follow one of their mobile medical units : a fully-equipped caravan to carry out first-aid medical examinations right in the “Syrian camps”. Doctor J, a sixty-year-old medic, had taken us under his wing. We attended a few consultations of women mostly. It was striking how all were pregnant or had just given birth. Doctor J was teasing them: « When on earth will you stop having babies?! » Later on, in the camp leader’s tent, we had a cup of coffee sitting close to a big stove. I remember the thick, plush carpet covering the ground and the contrast it made with the rags worn by the people there.

The Bekaa Valley is a vast farming region and most of the income of the population in these camps is derived from working the land. Farming along with building and the cleaning industry is one of the three sectors Syrian refugees are officially allowed to work in. Looking out the car window, we could mainly make out women and children, yoked to their ploughs.

Then I never had the time or the opportunity to go back there.

 Four years later, right in the middle of a film’s preparations, I am thinking it’s probably the right time to compare my memories and perceive reality through a different acuity. 

 

Ahla w Sahla (Bienvenue / Welcome) 

 7h30 du matin, février 2023, accompagné de Gwen, nous rejoignons Cola, quartier du Sud-Est de Beyrouth, point de départ des vans en direction du Shouf et de la Bekaa. J’y avais passé du temps en 2021, lorsque je cherchais le meilleur quartier pour implanter le premier centre LP4Y.

 Rien n’a changé. Remarquez, rien ne change jamais dans ce pays. J’ai même l’impression de reconnaître le vendeur de café à la guérite en face du point de ralliement des bus.

 Le temps est clair, le soleil brille, le van démarre.

 Évidemment, nous mettons plus que les deux heures prévues pour arriver à destination : il y a toujours des routes bloquées dans cette région. Ce matin c’est à cause d’un accident, ce soir ce sera à cause de manifestations sauvages pour protester contre l’éternel effondrement de la livre libanaise. Le dollar libanais : ils l’appellent « LOLlars », en guise de « joke » puisqu’il ne vaut plus rien du tout.

 A peine sortis du van, on s’acoquine avec un conducteur de touk-touk prolixe qui accepte de nous mener où on voudra, très heureux d’échanger au sujet de sa femme qui parle le français et de sa voiture Renault. Lancés à pleine vitesse – tout est relatif, ça reste un touk-touk  – nous croisons une jeune femme sur le bord de la route dotée d’un sac à dos rose reconnaissable entre tous : « Mais c’est Myriam ! »  Une volontaire LP4Y, libanaise – que nous étions censés rejoindre un peu plus tard dans la matinée.

7.30 am February 2023, along with Gwen, we are getting to Cola, the departure point of the vans heading for Shouf and the Bekaa Valley. I had spent some time there in 2021, while looking for the best place to set up the first LP4Y centre. 

Nothing has changed. Mind you, nothing ever changes in this country. I even have the feeling I can recognise the coffee seller in the booth opposite the bus meeting point.

The weather is fine, the sun is shining and the van starts. Unsurprisingly it takes us more than the two hours expected to reach our destination: roads are always being blocked in this area. This morning it is due to an accident, tonight it will be caused by wild demonstrations to protest against the never-ending collapse of the Lebanese pound. The “Lebanese dollar” which they jokingly call “LOLlars” as it is no longer  worth anything at all.

Just out of the van, we team up with a chatty tuk-tuk driver who agrees to take us where we want happy to tell us about his French speaking wife and his Renault car. Driving at full speed – it’s all relative , it is a tuk-tuk after all – we drive past a young lady walking by the side of the road and carrying a pink backpack easily recognisable: “Look! It’s Myriam!” A Lebanese LP4Y volunteer we were supposed to meet later on that morning.

 

Tel est pris qui croyait prendre / the joke’s on you!

 « BASS, BASS » (ça veut dire « stop » en arabe) ! Notre chauffeur fait marche arrière, pendant qu’on se tasse sur la banquette pour lui faire de la place. Myriam nous explique qu’elle doit s’entretenir avec une partenaire, qui travaille dans une école à l’intérieur d’un camp syrien situé… aux alentours. Néanmoins elle ne dispose pas de la localisation exacte et la partenaire en question ne répond pas. Notre chauffeur n’étant pas du genre à reculer devant l’obstacle, nous finissions, après quelques tournoiements – jamais suffisamment longs pour me laisser la chance de dégotter le café dont je rêve depuis notre départ de Beyrouth – par arriver à destination. Au fond d’une impasse, point de départ de plusieurs terrains vagues où sont installés les campements, nous rencontrons D, le contact de Myriam, qui nous propose de faire quelques pas avec elle.

 Un lac, un pylône électrique, des bâches UNHCR (The United Nations High Commissioner for Refugees), quelques murs de tôles, et beaucoup, beaucoup d’enfants. 

 

 

J’ai à peine sorti mon appareil photo, lancé quelques sourires, que deux jeunes filles (une douzaine d’années) se rapprochent. L’une d’elles semble plus intéressée par l’action de prendre en photo que par celle de poser. Je lui tends l’engin et lui propose de faire quelques essais. Gwen se prête au jeu et accepte de servir de modèle. On l’aide un peu à stabiliser la ligne d’horizon et sans plus de cérémonie nous voilà embrigadés dans une séance de « shooting ».

 

 

Plus nous avançons, plus nous croisons de nouveaux enfants, quasiment aucun adulte. Ils m’appellent tous « Teacher ». C’est logique, je suis étrangère, je suis jeune et je suis blanche. Or les seules étrangères, jeunes et blanches que ces enfants ont jamais côtoyées, ce sont les volontaires internationaux qui se succèdent pour leur donner des cours. La catégorisation est naturelle.

 Notre jeune acolyte – toujours sur nos pas – récupère à nouveau l’appareil photo, obnubilée par les chiens qui jouent près des poubelles. Son énergie est débordante, contagieuse. D’ailleurs je m’amuse au moins autant qu’elle. Un peu plus loin, je rencontre trois petits enfants qui déambulent entre les allées, comme des siamois, sans se décoller les uns des autres. Ils crient, ils jouent, ils font les imbéciles. Leur énergie révèle en creux – et en pleine puissance – une telle soif d’être.

Je voudrais bien rester un peu plus longtemps avec mon nouveau gang mais notre chauffeur de touk-touk, lassé de compter les quarts d’heure, a déjà essayé de nous appeler trois fois. 

 

Enfants de la Bekaa

 

« BASS, BASS » (it means stop in Arabic ) our driver reverses while we squish up in the back seat to make room for her. Myriam tells us she has to talk to a partner who works in a school inside a Syrian camp located… somewhere around.  But she can’t say exactly where it is and her partner doesn’t answer her phone. Our driver is not the kind to back away in front of an obstacle so after stopping to change direction a few times – never long enough to grab the cup of coffee I have been dreaming of since we left Beirut – we end up reaching our destination. At the bottom of a dead-end street, the starting point of some vacant lots where the camps lie, we meet D, Myriam’s contact, who offers us to take a walk with her.

 A pond, an electricity pole, UNHCR tarps, a few corrugated iron walls and many, many children. 

I had hardly taken my camera out and smiled to a few faces when two young girls, about twelve years old, came over. One of them seems more interested in taking pictures than in posing. I hand out the device to her and suggest she have a go at it. Gwen agrees to play along and poses as a model. We help her to steady the horizon line and without further ado we find ourselves recruited for a ‘photo shooting’.

The further we go the more children we come across, with hardly any adults in sight. They all call me « Teacher ». Quite logical as I’m young, white and a foreigner. Indeed, the only young, white foreigners these children have ever met are the international volunteers who, one after the other, come to teach them. Categorising is natural!

 Our young follower, still in our footsteps, gets the camera back again, obsessed with the dogs playing around the trash cans. She is brimming with energy and it’s contagious. I’m  actually having as much fun as she is. A little further away, I come across three little children walking around between the alleys sticking together like Siamese brothers. They’re shouting, playing and fooling around. What a thirst for being, their energy reveals implicitly and powerfully.

I wish I could stay longer with my new gang but our tuk-tuk driver, tired of counting the quarters of hour, has already tried to call us three times.

 

12 ans / Twelve years

J’en suis arrivée à un point où je me demande s’il y a quelque chose de nouveau à apprendre de tout ça… 12 ans que la guerre a démarré en Syrie : 12 ans qu’on continue de donner à cette situation le statut d’« urgence ». 12 ans que ces camps existent : 12 ans qu’il est interdit d’y construire des bâtiments en dur.

 12 ans, ce n’est plus du temps volé, c’est un annihilement.

Forcément les libanais ont un rapport conflictuel avec la Syrie et ces « réfugiés » – d’ailleurs ils lèvent les yeux au ciel et soupirent (ou ricanent, c’est selon), plus qu’ils n’en discutent. Avec près de la moitié de la population du Liban composée de réfugiés (syriens, irakiens, jordaniens…), « l’accueil » c’est le grand sujet tabou ici. Néanmoins il suffit de voir les camps sauvages à la Villette ou à La Chapelle, à Paris, pour comprendre qu’en France – où la population étrangère ne dépasse pas 8% selon l’INSEE – nous nous trouvons du côté le plus largement avare du monde – et, du même coup, réprimer son désir de donner une leçon humaniste à notre interlocuteur libanais.

N’empêche que khallas, je n’ai plus du tout envie d’entendre que les syriens « font exprès » de vivre au milieu des déchets pour attirer « la pitié » (et les « fresh dollars » des UN qui viennent avec) ; que les syriens « profitent », etc. A ce stade il y a seulement des faits. (1) Cette situation est infernale. (2) Tout le monde le sait. (3) Personne ne fait rien pour que ça s’améliore.

Ce que j’espère c’est que ces enfants que je croise, ces personnes réelles, auront un jour l’opportunité de sortir de la Bekaa. De voir quelque chose d’autre que les bâches sales de l’UNHCR :  d’avoir une chance, au moins une chance.

 En attendant, le mieux à faire c’est encore d’alimenter leur force de vie, leur curiosité… leurs rires.

I’ve reached a point where I wonder if there’s anything new to be learnt from all this. It’s been 12 years since the war broke out in Syria. 12 years since we called the situation an “emergency”. 12 years since the camps were first set up : 12 years since people were forbidden to build anything to last. 

 12 years it cannot be called stolen time ; it is annhilation. 

Inevitably, the Lebanese have a conflictual relationship with Syria and these ‘refugees’ – actually they roll their eyes and heave a sigh (or possibly snigger) rather than talk about it. With the refugees (from Syria, Irak, Jordan…) making up almost half the population in Lebanon, welcoming refugees is the big taboo here. Nevertheless, you only have to look at the unauthorized encampments at La Villette or La Chapelle in Paris to understand that in France – where the foreign population is under 8% according to INSEE – we stand on the most miserly side of the world and should therefore repress our desire to teach Lebanese any lesson.

Be that as it may khallas, I no longer want to hear that Syrians are doing it on purpose to live in the midst of rubbish to arouse pity and get the fresh dollars from the UN ; that Syrians take advantage of the situation, etc. At this stage there are only facts. (1) To live in this situation is hell. (2) everybody knows about it. (3) Nobody does anything for it to get better.

What I hope is that these children I meet, these real people, will one day have the opportunity to leave the Bekka ; to see something other than the dirty UNHCR tarps: to be given a chance, at least one chance.

Meanwhile, the best thing to do is to feed their vital strength, their curiosity, their laughter. 

 

Camp de la Bekaa

 

Enfants de la Bekaa

Enfants de la Bekaa

 

Souk-Souk   

Notre fidèle touk-touk nous dépose, Gwen et moi, devant l’entrée d’un gigantesque souk, marché populaire à ciel ouvert où on trouve de tout à des prix imbattables. Des montagnes de chaussures (en carton plastique), de la vaisselle (en plastique), du maquillage (probablement composé de molécules plastiques). Et bien sûr des victuailles ! Des tomates, des olives, des noix en tout genre… des pâtisseries qui dégoulinent de miel… Heureusement nous sommes sortis sans prendre beaucoup d’argent, sans quoi nous aurions bien du mal à restreindre nos pulsions consommatrices les plus fantasques. 

 Une fois avalée une plâtrée de fouls pour moi et un shawarma pour Gwen, nous rejoignons Myriam et cinq Jeunes du Green Village LP4Y qui s’apprêtent à partir en session de mobilisation dans les rues de la ville voisine : Chtoura. C’est un des points névralgiques de la région mais ça reste assez « nu ». Nous nous embarquons le long d’une route toute droite bordée de commerces, grandes boîtes rectangulaires, qui se ressemblent tous, genre de « 1$ shop » ou « trouve-tout », où l’on vend – où l’on vendait plutôt, c’est-à-dire avant la crise la même pacotille exactement que dans toutes les autres régions populaires du pays (et sans doute des pays voisins). C’est la vie « plastique », reproductible, pas chère.

Our faithful tuk-tuk driver drops us, Gwen and I, at the entrance of a huge souk, an open air popular market where you can find anything at unbeatable prices. Huge heaps of (plastic cardboard) shoes,  (plastic) tableware, make-up (probably made with plastic molecules). And of course, victuals! Tomatoes, olives, nuts of all kinds… pastries dripping with honey… Fortunately, we have forgotten to change money, otherwise, we would have had a hard time repressing our most fanciful consuming impulses. 

 After swallowing a plateful of fouls for me and a shawarma for Gwen, we meet Myriam and five youngsters from the LP4Y Green Village who are getting ready for a mobilisation session in the streets of a nearby town: Chtoura. It’s one of the key points in the region but it remains rather “bare”. We start walking along a straight road lined with shops, big rectangular boxes which all look alike, sorts of “$1 or here-you-can-find-everything shops” where people sell  – or rather sold – exactly the same junk that you can find in all the popular areas of the country (and probably in the neighbouring countries.) It is the « plastic » kind of life, replicable and cheap.

 

Les enfants terribles de la Bekaa  / The Holy Terrors of the Bekaa valley

Au loin, les montagnes enneigées ; le jour n’est pas loin de se terminer et la lumière est extrêmement pure. Je m’écarte pour prendre une photo. Un emballage de papier rouge qui virevolte au gré du vent attire mon attention aux pieds d’un garçon perché sur une butte à quelques dizaines de mètres. Sur ses talons, une petite fille avec un regard perçant. Je me fige. Ils sont si « beaux ». Je viens de terminer Les enfants terribles de Cocteau, et j’ai l’impression de voir devant moi une incarnation d’Elisabeth et Paul…

 

Enfants de la Bekaa

 

Ni une, ni deux, je m’engouffre à leur rencontre. Plus j’avance, plus je vois éclore de nouvelles petites têtes aux sourires ravageurs. Au loin, à la « porte » du camp, un homme d’une trentaine d’années, accompagné de deux jeunes femmes du même âge, me saluent eux aussi avec conviction. J’agite mon appareil photo en direction des enfants « photo is ok ?? » L’homme me lance des « Tfadalé, tfadalé » qui signifie « bienvenue », « entrez » en arabe. Littéralement portée par la nuée d’enfants qui s’amoncellent autour de moi, je m’avance à leur rencontre. Ils sont infatigables, courent et sautent dans toutes les directions. Ils n’ont évidemment pas du tout peur de l’appareil photo et, au contraire, j’ai plutôt l’impression qu’ils vont l’engloutir.

Entre-temps Gwen m’a rejoint et nous suivons le jeune homme et ses deux compagnes qui nous invitent à prendre le café « au chaud » dans leur tente. La mère du jeune homme en compagnie d’un autre homme y sont installés et nous accueillent comme de vieux amis. Tout le monde accepte que je les prenne en photo sauf les jeunes femmes qui rient coquettement en se cachant derrière leur hijab et s’écrient « married », « married » en guise d’explication à leur refus.

 Nous échangeons plus de sourire et d’énergie que de mots – ma capacité à développer une conversation en arabe étant assez limitée. A l’intérieur de la tente, le poêle marche à plein régime. J’étouffe. Je voudrais profiter de cette lumière magnifique qui est en train de disparaître. Surtout je crève d’envie de rejoindre les enfants qui forment désormais, j’en suis certaine, un siège devant la tente.

Deux ou trois d’entre eux réussissent à s’infiltrer à l’intérieur, ce qui achève de me décider à terminer illico presto mon café – finalement j’aurais eu ma dose aujourd’hui – et ressortir sans plus attendre.

Tout le monde passe la tête hors de sa tente pour voir ce qui se passe. L’énergie est partout palpable. Il y a, je ne sais pas, une sorte d’effervescence. On a du mal à s’en aller et ils ont du mal à nous laisser partir. Surtout les enfants. On fait la course. Ils nous suivent longtemps après les limites du camp, c’est-à-dire de leur territoire autorisé. 

Le lendemain j’envoie à notre hôte de la veille les quelques photos que j’ai prises. De mon côté, je n’en ai pas besoin pour me souvenir. Parfois, au coin d’une rue, je me retourne inconsciemment, prête à voir surgir de l’éther une vingtaine de joyeuses têtes brunes résolues à me sauter dessus. 

 

Au Liban, Rachel réalise un film pour porter la voix des jeunes en situation d’extreme pauvreté jusqu’à la Tribune des Nations-Unis. Pour découvrir les premières images, rendez-vous sur youth-visions.com 

 

Enfants de la Bekaa

 

Enfants de la Bekaa

 

Enfants de la Bekaa

 

Enfants de la Bekaa

 

Enfants de la Bekaa

 

Habitant de la Bekaa

 

Enfants de la Bekaa

 

Habitant de la Bekaa

 

Enfants de la Bekaa

 

In the distance, you can see snow-covered mountains. The day is almost over and the light is extremely pure. I move away to take a picture. A piece of red wrapping paper spinning in the wind leads my eyes to the feet of a boy perched on a hillock about twenty or thirty metres away. At his heels, stands a little girl with a piercing gaze. I freeze. They are so « beautiful ». I have just finished reading The Holy Terrors by Cocteau and it feels like, right in front of me, I can see Elisabeth and Paul in the flesh…

Without a second thought, I run up to them. The further I go, the more new little faces I can see, blooming with their ravishing smiles. In the distance at the camp « door », a thirty-year-old man with two young women the same age, are also greeting me wholeheartedly. I wave my camera towards the children « photo is ok??”» The man keeps saying « tfadalé, tfadalé », which means “welcome” in Arabic. Literally carried by the flock of children swarming around me, I walk up to them. The children are tireless, they jump and run in every direction. They are obviously not afraid of the camera at all and it rather feels like the camera is going to disappear in their midst.

Meanwhile, Gwen has joined me and we follow the young man and his two companions who invite us for a cup of coffee «  in the warm” of the tent. The man’s mother and another man are sitting there and welcome us as if we were old friends. Everybody agrees to me taking a photo of them, except the young women who laugh charmingly hiding behind their hijab and cry out “married, married” as an explanation for their refusal.

 We exchange more smiles and energy than words – my ability to have a long conversation in Arabic is rather limited. Inside the tent, the stove works at full power. I am too hot. I wish I could enjoy this wonderful light which is vanishing. I am dying to join the children who, I am sure, are by now besieging the tent.

 Two or three of them manage to sneak inside, which eventually convinces me to drink up my coffee pronto – I will finally have had my fill of coffee today — and go out without waiting anymore. 

Everybody peeks out of their tents to see what is going on outside. You can feel the energy everywhere. I don’t exactly know what, but there is like a sort of excitement in the air. It’s hard to go away and it is hard for them to let us leave, especially for the children.  We are racing now. They follow us for a long time after the camp limit, that is to say after the area where they are allowed to be. 

 The next day I sent to our yesterday’s host the few photos I had taken. As for me, I don’t need them to remember. Sometimes, I turn around unconsciously, ready to see about twenty cheerful young brown faces determined to pounce on me.

 

In Lebanon, Rachel is making a film to take the voice of youth living in extreme poverty to the United Nations. To discover the first images, visit youth-visions.com

 

Photos et article de Rachel Cisinski

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