La Norvège en auto-stop 

par un contributeur
1 commentaire

 

Vendredi 31 Avril. Il est 7:30. Autour de moi on dort encore. Je me souviens d’hier soir où je suis arrivée dans cette immense salle vitrée. Il était tard. Les gens dormaient déjà. Il m’avait fallu du temps avant de trouver un banc libre. Rendre mon 9m2 et finir sur un banc métallique, un peu froid, pas très confortable, mais pourtant je m’y sens bien. Aujourd’hui est un grand jour. Oslo n’est qu’une étape, je dois me rendre à Kirkenes, mais pourquoi ? Pourquoi aller si loin ? Le Finnmark, région la plus au Nord de la Norvège est, dans l’esprit des gens, associée à une terre sans vie, froide, voire glaciale, remplie de moustiques. « Au Nord il n’y a rien à voir. C’est désertique et il pleut », « Que se passera-t-il si tu te retrouves blessée, au milieu de nulle part à 200 kilomètres d’une ville ? », « Reste dans le sud, il y a plus de choses à voir ». 

 

 

Pays des Samis, des pêcheurs, des élans, des saumons et des rennes, le comté de Finnmark est situé à l’extrême Nord du pays. Son étendue est plus grande que le Danemark. Il fait partie de la Laponie, qui s’étend sur les trois pays voisins : la Finlande, la Suède et la Russie. 

Kirkenes est la dernière ville avant la frontière russe. C’est aussi la ville la plus haute de la cartographie Norvégienne. Voilà pourquoi je m’y rends. Arriver au bout du bout de la Norvège et pouvoir la visiter de haut en bas. Kirkenes est aussi une ville portuaire, elle est le terminus de L’express côtier/Hurtigruten, un bateau de croisière qui assure la liaison entre 34 ports de la côte norvégienne depuis les années 90, allant de Kirkenes à Bergen. C’est d’ailleurs pourquoi dans le vol Oslo-Kirkenes, les quelques passagers sont en majorité des personnes âgées, des touristes, qui profitent de leur temps libre, pour partir se reposer sur ce spacieux navire et admirer les beaux paysages côtiers. 

 

 

Rappelons que la Norvège est un pays où les communications à terre sont peu commodes. L’Hurtigruten, avant d’être une ligne touristique, servait à livrer nourritures, nouvelles et matériels, ce train était un lien vital entre le nord et le sud du pays. 

Les hivers sont durs, longs et froids. Le Finnmark est au-delà du cercle polaire. Cela veut dire qu’en hiver, les habitants n’ont que quelques minutes de jour contrairement à l’été où la nuit n’existe pas. On appelle ça le soleil de Minuit. Dans son roman Pan, publié en 1894, Knut Hamsun décrit ce phénomène. En voici un extrait: « Il commençait à ne plus y avoir de nuit, le soleil plongeait à peine son disque dans l’océan et remontait, rouge, rénové, comme s’il était descendu pour boire. » 

Une autre particularité du Finnmark, c’est que l’été commence environ début juillet et fini mi-août. Nous sommes début juin, le printemps fait timidement son apparition: les quelques arbres que l’on peut trouver n’ont pas tous des bourgeons. Du haut de mon hublot, j’aperçois des sommets glacés, beaucoup de nuages, mais surtout beaucoup de neige.

Je repense au podcast de Les Baladeurs : « Face à face polaire avec Jérémie Villet » (https://shows.acast.com/les-baladeurs/episodes/rencontre-dans-le-grand-nord) et je croise fort les doigts pour qu’il n’y ait pas de tempête de neige à mon arrivée. Dans l’avion, il règne une atmosphère légèrement austère, ça sent les galettes de riz et j’ai déjà froid. 

Atterrissage en douceur. J’observe un paysage désertique, brut, rocheux, brume horizontale. Il y a une pluie fine qui s’ajoute au crachin normand ; au moins il ne neige pas. Au milieu du tapis roulant où l’on récupère nos sacs, il y a un ours brun sculpté. Atmosphère abrupte. 

 

 

Pour me rendre en ville, je dois prendre un bus. Panneaux en langue inconnue, il m’est difficile de les décrypter. Je me lie d’amitié avec un groupe de touristes. C’est alors qu’ils me prennent sous leur aile, et j’embarque clandestinement avec eux. 

Il a arrêté de pleuvoir et de grêler. Pancarte et pouce levé, j’attends sur le bord de la route. Je dois avouer que j’ai un peu la boule au ventre. Première voiture, deuxième voiture. J’observe le paysage rocheux, de différentes nuances de marron, de gris et de bleu; une rivière glisse près de la route ; je ne vois aucune habitation. A la troisième voiture, c’est Silja qui me prend à ses côtés, à bord de son bolide gris cailloux, se fondant parfaitement dans le paysage. On longe un lac, il correspond aux images que j’ai regardées avant mon départ mais avec le sifflement du vent en abondance, le clapotis de l’eau et le grésillement du sable fin. Silja habite à Neiden, à seulement quelques kilomètres de Kirkenes. C’est une ville un peu particulière car elle se compose en fait de deux villages, séparés par une frontière entre la Norvège et La Finlande. D’un côté il y a la municipalité d’Inari, en Finlande et de l’autre, il s’agit de la municipalité de Sør-Varanger, dans le comté de Troms og Finnmark, en Norvège. 

Amoureuse de sa région et de sa ville, elle me fait visiter. Nous passons au dessus d’une rivière agitée et poissonneuse, plusieurs voitures y sont garées, des pêcheurs. Ils viennent pour le saumon, le début de la saison de la pêche démarre ce soir à minuit. Il est 20h15. 

Le littoral de la Norvège mesure plus de 101 388 kilomètres, ce qui, selon le National Géographic, correspond à faire deux fois et demi le tour du monde en ligne droite. La mer et la pêche ont toujours accompagné le quotidien des Norvégiens. Il existe d’ailleurs « le championnat du monde de pêche au cabillaud » qui se déroule tous les ans dans les Lofoten dans le courant de Mars. Dans les terres, le pays est recouvert de milliers de lacs, de rivières et de cours d’eau. Il existe un grand nombre de techniques pour pêcher. Pour Silja, sa technique préférée est la pêche à la ligne. 

Je marche maintenant à ses côtés. Sa grande tante nous fait signe de la main ; au fond du jardin un chien aboie. Elle m’invite à rentrer ; ce soir c’est saumon de la rivière et pommes de terre.

 

 

Elina Boisson aka Jaidupaindansmonsac 

You may also like

S’abonner
Notification pour

1 Commentaire
Le plus populaire
Le plus récent Le plus ancien
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
13 juillet 2020 11 h 23 min

Même si je supporte mieux le froid que la chaleur, je ne me vois pas là bas !